La notion de « caméra », empruntée au lexique cinématographique, est fréquemment utilisée par les joueurs, les développeurs ou encore les journalistes pour qualifier les déplacements du point de vue dans les jeux vidéo. En effet, le terme de « caméra » s'est généralisé dans les discours portant sur le jeu vidéo dès les années 1990 et constitue un exemple clé des échanges et des contaminations qui ont marqué l'histoire du jeu vidéo, autant que l'histoire récente du cinéma hollywoodien. Si plusieurs travaux du jeune champ d'études des game studies (ou études du jeu vidéo) se sont déjà penchés sur la « cinématographicité » des images vidéoludiques, sur l'ensemble des dynamiques d'emprunt et d'hybridation qui affectent les images du jeu vidéo, l'histoire du terme de « caméra » n'a jamais fait l'objet d'une étude détaillée. Or, sa généralisation dans le domaine du jeu vidéo fait de la « caméra » un facteur crucial des contaminations réciproques qui ont marqué ces deux industries culturelles dès la fin du XXè siècle. Son usage dans le contexte des game studies repose sur une connaissance partagée du terme qui est rarement interrogé par les chercheurs. Cet ouvrage propose de retracer l'émergence, la naturalisation et la généralisation de la notion de « caméra » dans le contexte des jeux vidéo. Pour ce faire, l'auteur propose de recomposer les variations conceptuelles du terme en reconstituant, par l'analyse qualitative, les différents cadrages sémantiques de cette notion tout en prêtant une attention particulière à son contexte d'utilisation et aux relations multiples qui lient les différents agents du champ culturel du jeu vidéo qui en ont fait usage (joueurs, créateurs, critiques, éditeurs, etc.). Faire l'histoire de la notion de « caméra » nécessite en amont de questionner la relation qu'entretiennent cinéma et jeu vidéo, et permet, en aval, d'envisager à nouveau frais les termes employés pour analyser les régimes de visibilité du jeu vidéo, mais aussi de porter un regard neuf sur les productions hollywoodiennes des dernières décennies qui mobilisent la grammaire vidéoludique, à l'image de Tron et de son remake ou du récent Ready Player One.